Promesse tenue - T.1 / En chemin - Erika BOYER
Comme je fonctionne beaucoup au feeling visuel, ce n'est pas la notoriété de l'auteure, que je ne connais absolument pas, qui m'a attiré vers ce titre ; mais bien sa couverture. Etonnant, non !
C'est dans un lieu qui n'a rien de joyeux, qu'on rencontre Sandy qui assiste à la crémation de celui qui a été, pour lui, plus un géniteur qu'un père. Dès le 1er chapitre, on sent la confusion émotionnelle qu'il y a en lui, qui oscille entre colère et désarroi.
"Inconvenant. Irrespectueux. Puéril. Je veux bien être tout ça une dernière fois et j’aime l'idée d'imaginer son âme hurler et souffrir de ne pouvoir lever la main sur moi comme il l'a fait si souvent levée sur ma mère"
Heureusement, de près ou de loin, il trouve du soutien auprès de ses amis bikers ou artistes tels que Lara, Luigi, Cookie, Clément, Riley.... et de sa grand-mère Gran. Lorsque celle-ci lui apprend que sa mère a besoin d'une greffe de rein urgente, c'est le monde de Sandy qui s'effrite. Et lorsque Alison, la sœur de Sandy, de 15 ans son aînée, s'avère être la seule personne susceptible d'être compatible, c'est une inconnue de taille qui va s'ajouter aux sentiments déjà malmenés. Celle-ci a déserté le domicile familial, il y a longtemps et nul ne sait où elle se trouve réellement. Un seul indice : Lège-Cap-Ferret. Par amour pour sa mère et bien que cela ne le fasse pas bondir de joie, Sandy va partir à la recherche de cette sœur dont il a vécu le départ comme un abandon.
"Tous différents, pourtant, tous les mêmes dans notre passion. Nos différences nous rapprochent peut-être autant que nos points communs"
Voilà comment démarre ce périple, sur les routes de France, entre Lyon et le Cap-Ferret, à la recherche d'un passé pour panser les blessures du présent et préserver ce qu'il reste de plus cher à Sandy. Alors attention : ce n'est pas un guide touristique !!!!
Au bout d'une semaine, un mois ou un été, les réponses seront-elles au bout de cette quête ?
Quels enseignements pourra retirer Sandy, de ce qui pourrait être une expérience à double tranchant ?
Sandy est un jeune homme meurtri par un passé difficile. Il ne trouve l'apaisement que lorsqu'il chevauche Haley, sa Harley Davidson, lorsque sa peau est bichonnée par ses ami(e) tatoueurs ou lorsqu'il tente d'oublier la dérive de sa vie dans des addictions éphémères (drogues, alcool, sexe, vitesse). Il ne fait pas partie de ces personnages qu'on a l'habitude de croiser. Erika BOYER a créé, de toutes pièces, un personnage unique. On pourrait le croire bad boy et macho ; il n'en est rien.
« Je ne pense pas mériter le pardon ou l’affection des gens qui me sont chers. Je veux souffrir encore et encore. C’est la seule façon pour moi de purger ma peine »
C'est justement lorsqu'il va rencontrer Daniela, surnommée Danny, qu'on peut se rendre compte qu'il aime les femmes et les respecte. Celle qui va devenir son essentielle est une jeune femme parfaitement libérée, bien dans son temps, dans ses boots. Par certains côtés, elle est un peu Sandy au féminin : barmaid/danseuse le soir et serveuse le jour, tatouée, fumant, buvant et ayant beaucoup d'amis autour d'elle qui représentent ses seules attaches affectives. Pas de famille et pas de passé. La déception des années passées a endurci son cœur, l'a comme emprisonné dans une cage qui n'a rien de dorée.
« Je ne suis pas comme eux, Sandy. Il n’y a plus rien à briser chez moi »
Sandy et Danny ont beaucoup de points communs qui donnent à réfléchir, tout au long de la lecture. Ils vont vivre une histoire d’amour emplie de beauté, tellement évidente ; deux âmes sœurs qui se seraient trouvées, tout simplement une évidence. En amour, rien n’est forcément simple, aussi belle que puisse être l’histoire. Mais là, on ne peut que s’attacher à ce qu’ils vont s’apporter mutuellement, de manière naturelle. C'est une belle leçon de tolérance qu'ils nous donnent, au-delà de leurs souffrances. Ils sont tous les deux entourés par ce qui est une valeur essentielle dans la vie de certaines âmes brisées : l'amitié. Ce sujet est traité de telle manière, qu'il nous accompagne d'un bout à l'autre de l'histoire en mettant une belle claque à certains préjugés : l'amitié ne connaît pas de barrières, quelles qu'elles soient.
« C’est ça la vie, et je veux te voir vivre vraiment. Je veux que tu arrêtes de t’empêcher de ressentir les choses en te noyant dans l’alcool ou en te défonçant au cannabis »
Erika offre un très beau roman atypique, de ceux qu'on peut classer en romance bien que la romance ne soit pas ce qui domine au fond ; mais qui enferme en son cœur une aventure humaine riche en belles émotions. Il est un peu sombre, de par le personnage de Sandy, prêt à pactiser avec le diable s’il le faut, mais avec cette touche de lumière qu'apportent toutes les personnes qui l'entourent et les messages qu'il véhicule.
Il ressort de ce qui, au départ, ne semble être qu'une histoire de recherche, quelque chose de plus profond avec des impacts collatéraux. Plus qu'une quête de vérité, c'est un vrai travail intérieur que pourrait bien faire Sandy. C’est une vraie réflexion sur son passé et sur l’importance d’un tout petit mot : « Promis », trop facilement prononcé. Toute l’histoire tient bien dans ce titre judicieusement choisi : « Promesse tenue » et qui donne matière à réfléchir sur les conséquences de nos paroles : une promesse est une promesse, un engagement. Tient-on toujours ses promesses ? Ou n’est-ce qu’une parole en l’air, qu’on prononce de manière automatique, comme on dirait « bonjour » ?
"Elle ne se méprend plus à mon sujet : je ne tiens jamais mes promesses"
Erika cassent certains codes avec une narration 100% masculine et en donnant à ses personnages des prénoms mixtes ; puisque Sandy est plus couramment féminin, de même que Danny est habituellement masculin. Dans ce livre, elle se démarque donc parfaitement en mettant à mal certains à-priori, en abordant sans gêne aucune et de manière simple le thème de l’orientation sexuelle avec des personnages attachants et touchants ou des sujets tabous voire dérangeants (ai-je le droit de parler de l’épineux sujet des « pains au chocolat » ou « chocolatines » ? ).
"Les gens passent trop de temps à juger sur les apparences"
Tout en subtilité et avec une vision bienveillante, elle apporte un petit quelque chose de nouveau ; en tout cas pour moi. Et la touche importante c’est cette énigme addictive qui nous tient jusqu’au bout et que je n’ai, personnellement, pas vu venir. Des révélations qui m’ont laissé « bête », et pourtant, j’avais fait des suppositions (totalement erronées donc on ne m’appellera pas Miss Marple !). Ce type de roman qui fait que, quand vous arrivez à la fin, plein de petits détails ressurgissent et vous vous dites « Mais oui, c’était évident ; comment n’y ai-je pas pensé ?
Cette histoire est finement et subtilement menée de la première lettre au dernier point. C’est un réel coup de cœur pour le contenu, la trame narrative, la fluidité de la plume et l’attachement à tous les personnages que l’auteure est parvenue à faire naître en moi. C’est une lecture qui n’est pas anodine - pendant laquelle j'ai souri, j'ai pleuré un peu, j'ai été émue - qui soulève des questions et fait réfléchir ; en résumé, elle ne laisse pas insensible. Le roman est court, se lit de manière simple donc raison de plus pour le découvrir impérativement.
« C’est une promesse, et celle-là, je la tiendrai. Si je ne dois en tenir qu’une dans ma vie, ce sera celle-là »