Mille livres en tête

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Obsèques à la carte / Amelia PACIFICO

www.kizoa.plcollage_2020-09-17_16-33-19.jpgLorsque j'ai vu passer le roman d'Amelia PACIFICO, j'ai été surprise par le contraste entre la couverture colorée et le titre qui débute par le mot "Obsèques". Ça à suffit à titiller ma curiosité et bien que cette histoire soit écrite à la 3ème personne, je me suis lancée en répondant à l'appel à chroniques, de l'auteure. Merci Amelia pour ta confiance.

 

Alors là, on n'est pas du tout sur de la romance ou du feel good pur mais on n'est pas très loin de ce dernier style. Pour être honnête, je ne sais pas dans quel style littéraire le classer mais pour l’auteure il s’agit d’un « contemporain réaliste, aux accents feel good ». Ce dont je suis sûre, c'est que le choix de l'environnement sur lequel repose cette histoire est vraiment osé et un peu risqué, n'ayons pas peur de le dire ; le thème pouvant induire en erreur qui lirait le résumé sans chercher à voir au-delà.

 

« Depuis un an, Lila traîne une amertume née des funérailles de son papa, trop tôt parti et dans un grand chambard enterré. La cérémonie organisée par sa mère et les professionnels du métier aurait fait hurler le disparu si ses cordes vocales avaient encore fonctionné.

 

« Le choc de découvrir le corps inerte de la personne qui comptait le plus dans sa vie a été long à apaiser. La rancœur générée par l’organisation épouvantable des obsèques qui avaient suivi a, elle, encore du mal à être canalisée, à défaut d’être éradiquée »

 

Cette épreuve a tant pesé sur la jeune femme qu'au détour d'une conversation avec son psy, l'idée du siècle germe : pouvoir organiser de son vivant des funérailles sur-mesure afin d'ôter le souci des détails aux proches une fois son heure venue.

 

En proposant cet accompagnement original autour d'un sujet aussi tabou que la mort, Lila aurait dû se douter qu'elle croiserait des personnalités hautes en couleur qui lui donneraient du fil à retordre… et des émotions à vivre. C'est également au travers de ces moments forts qui font le sel d'une existence qu'elle trouvera enfin ce qu'elle a si longtemps cherché… »

 

Qu’est-ce qui attend Lila au bout d’un chemin parfois semé d’embûches ?

Saura-t-elle trouver l’apaisement dans sa vie bouleversée ?

 

Que ceux qui pensent d’entrée que la lecture d’« Obsèques à la carte » n’engendrera que tristesse et ennui, je ne vous dirais qu’une chose : oubliez vos idées pré-conçues et vos à priori. Et n’hésitez pas à entrer dans cette histoire atypique de par son sujet. Si on devait se baser sur un résumé, un titre ou une couverture pour découvrir des romans, on ne lirait pas grand-chose.

 

Amélia PACIFICO a eu l’ingénieuse idée – ou folle idée - d’associer ce sujet tabou qu’est la mort à une écriture légère et pleine de pep’s pour dédramatiser et alléger des situations douloureuses ; pour permettre à Lila d’essayer de trouver elle-même un apaisement qui lui fait défaut.

 

« C’est quoi, la mise en bière, maman ? C’est quand on boit quand quelqu’un meurt ? »

 

Parce qu’avant tout, Lila est une fille, une épouse et une mère qui doit composer avec une vie familiale pas toujours évidente et calme malgré le soutien infaillible de son époux. Parallèlement à ça, elle est courageuse d’aller au bout de ce projet qui lui tient à cœur parce que disons-le clairement, Lila aime les gens et ne veut que leur bien. Surtout dans cette étape si difficile qu’est la perte d’un proche qui peut faire s’écrouler un monde en quelques minutes à peine.

 

« Pour Lila, son activité s’apparente au service d’une wedding planner dans un domaine moins festif »

 

Et des gens, elle va en rencontrer beaucoup : les très bons qui vont marquer sa vie, les bons qui vont lui permettre de tirer certains enseignements et les mauvais qui ne méritent même pas qu’on s’attarde sur eux.

 

C’est là le gros point fort de ce roman : la qualité et la diversité des personnages qui vont croiser la route de Lila comme s’ils étaient une évidence dans l’histoire de sa vie professionnelle mais aussi personnelle. Chacun donne tout son sens à cette histoire et va laisser sa trace indélébile. Amelia les a vraiment travaillés de manière plus que complète.

 

En tête il y a bien sûr Aglaé, la rencontre qui va devenir indispensable à son quotidien, de par tout ce qu’elle va lui apporter et par le mystère qui l’entoure tout au long du roman. Même si c’est un très beau personnage qui amène des moments de douceur, de sourire, de rire et d’émotion, j’avoue que j’ai eu du mal à m’attacher à elle car je n’arrivais pas à la cerner tant il y a beaucoup de zones d’ombres autour d’elle. Comme s’il me manquait quelque chose sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt. Ca n’empêche en rien que j’ai aimé sa présence, ses réparties, ses sautes d’humeur et que j’ai su l’apprécier à sa juste valeur bien qu’un peu tardivement. Et sans elle cette histoire n’aurait eu aucun sens.

 

« Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans ce que vient de dire votre fille ? On tra-vaille, insiste l’ancienne en avançant la tête de manière agressive, pas le moment pour les visites de courtoisie, hé ! Elle a un business à faire tourner, « votre » Lila. Non, mais sérieusement, quel toupet ! »

 

Un autre personnage important est celui de Xavier CITRON qui a aussi sa belle part de mystère mais qui au fil de l’histoire soulève des sujets bien réels sur une notion de vie qui peut prêter à polémique, peut faire lever les yeux au ciel. Je ne vous dirais rien sur ce sujet car ce serait spoiler et sincèrement, je n’ai même pas d’avis sur la situation dans laquelle il se trouve.

 

Et puis il y a tous les autres, Anna, sa fidèle amie, Margaux, sa mère avec qui les relations sont plus que compliquées, Alex JACOB, son psy et Anthony, son mari ; pour ne citer qu’eux. Car ce livre est une succession de rencontres qui auront toutes une incidence directe ou indirecte sur la vie de Lila.

 

« Tu m’as pompée comme un vampire sans jamais un regard en arrière. Et tu vois, là, c’est moi qui ai besoin d’être protégée, maman ! Et pas par toi ! »

 

Ce que j’ai apprécié, au-delà de l’histoire, c’est le travail approfondi qu’à fait l’auteure pour développer un sujet de manière tellement dense en évoquant des pistes qui permettent de voir le sujet du deuil et des obsèques d’une autre manière. Elle propose des alternatives intéressantes à ce qu’on connaît tous et j’ai trouvé ça très enrichissant.

 

« Amocher le tabou de la mort dans l’esprit des gens et créer autour de cette incontournable étape de vie une atmosphère, si ce n’est joviale, a minima apaisée »

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J’avais une petite appréhension sur ce que j’allais trouver dans ce roman puisque j’ai un rapport au deuil assez délicat, le temps n’ayant pas tout à fait son œuvre. Alors oui, certaines scènes, certains textes m’ont parlé plus qu’ils ne l’auraient dû mais je n’ai pas pleuré. Car effectivement, c’est une histoire qui soulève certaines vérités et certaines émotions mais qui n’est pas larmoyante. Elle n’est pas tombée dans le côté négatif et triste du sujet et heureusement !

 

« On m’a volé mes derniers jours avec lui. Tous. De son vivant comme lorsqu’il était mort. Plus de trois mois sans pouvoir me coller contre lui, dans notre lit. Et d’un coup, plus personne »

 

Et ce qu’il me tient à cœur de parler, c’est l’écriture d’Amelia ; quelle écriture ! Je ne sais pas si c’est parce que le style littéraire est différent de ce que je lis habituellement – et qu’il existe peut-être des codes d’écriture différents - mais je suis tombée sous le charme de l’aisance que j’ai eu à lire une histoire à la 3ème personne – vous connaissez mon point de vue à ce sujet – et de l’enchaînement parfait de tous ses mots qui forment des phrases pour aboutir à cette belle histoire qu’est « Obsèques à la carte ». Je pourrais presque me dire « mais c’est drôlement simple d’écrire des histoires, allez go je m’y mets ».

 

Bon, parlons de choses qui peuvent fâcher mais c’est purement personnel : je n’ai pas accroché aux marques de démonstrations entre Lila et son mari. Attention : je ne remets pas en cause le lien qui les unit ! C’est juste que je n’adhère pas du tout aux « Mon chéri, ma chérie » et autres. Ca ce n’est pas nouveau ; je n’ai jamais supporté ça même, et surtout, dans ma vie personnelle. Je ne me referais donc pas là-dessus. Bref, c’est purement personnel donc qu’on ne m’incendie pas pour ça car ça ne change rien à la très belle qualité de ce roman.

 

Sincèrement, je suis agréablement surprise par cette histoire qui est très étoffée, humainement très riche et qui pourrait faire évoluer les mentalités vers quelque chose de moins formaté, de moins ancré dans les us et coutumes en matière de deuil. C’est clair que lorsqu’on voit le rapport au deuil qu’ont certains pays par rapport à la France qui est attachée à certains rituels, ce roman fait réfléchir sur d’autre possibilités qui s’offrent à nous pour voir le deuil comme le commencement d’autre chose tout aussi beau même lorsque l’autre n’est plus, rien qu’en étant apaisé d’avoir respecté ses dernières volontés.

 

« Obsèques à la carte » est vraiment un roman à découvrir pour tout ce qu’il apporte de réflexion, de sentiments divers et variés et pour la qualité de l’écriture de son auteure qui signe là un très beau premier essai littéraire dans ce genre. Je ne peux pas vous dire mieux que pour savoir ce qu’il vous apportera, à vous, c’est de l’ouvrir et de vous y plonger.



17/09/2020
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