Mille livres en tête

Mille livres en tête

Ferme les yeux et fais un voeu / Cécile BERGERAC

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C'est au détour d'un post Instagram Hugo Roman que j'ai décidé d'avancer, de 2 places, la lecture de "Ferme les yeux et fais un vœu" qui était dans ma P.A.L. J'étais intriguée par la couverture Feel Good et le résumé qui l'était moins. Du coup, ce petit bijou a été commencé en début de matinée au petit déj' pour en finir la dégustation pour le goûter ; en ayant entre-temps préparé - tout en le lisant - un plat de lasagnes (loufoque mais véridique !). Mais pourquoi parler cuisine ? Parce que ce roman est savoureux, un vrai délice littéraire. Et je suis une gourmande, dans tous les sens du terme


C'est une rencontre un peu hors du temps qui se produit à 3h12, une nuit de septembre avec un réveil brutal pour Sarah, 30 ans, jeune avocate dévouée corps et âme à son métier : le CHU d'Orléans vient d'accueillir,  aux urgences, son frère Pierre. C'est le choc ! Orpheline depuis son enfance, son frère est ce qu'elle a de plus cher et celui qu'elle doit protéger coûte que coûte. Plongé dans un coma profond, la suite de son séjour se fera au service réanimation sous les soins, en autre, de Jimmy, jeune infirmier de 29 ans.

 

« Bonjour mademoiselle. Venez avec moi. Il va falloir être forte »


Un combat contre l'attente interminable s'engage bouleversant un quotidien parfaitement réglé ; où les imprévus n'ont pas leur place. Et pourtant .....


Ayant eu son lot de souffrances, Sarah sera-t-elle assez forte pour affronter cette épreuve de taille ?

Est-elle réellement à sa place dans ce monde qui s’est imposé à elle plus qu’elle ne l’a choisi ?


C'est à une thématique vraiment forte que l'auteure s'attaque dans ce roman bouleversant et tout en sensibilité. Et je dis bravo et merci. Je ne peux pas vous résumer l’histoire, elle ne se résume pas ; elle se lit tout simplement.


Lorsque j'ai commencé la lecture, j'ai eu un gros doute car c'est une histoire à deux voix mais écrite à la 3ème personne. Style narratif que je ne maîtrise pas du tout. Je vais dire heureusement que la 1ère personne n'a pas été utilisée ; ça aurait été déplacé que de vouloir s’approprier les sentiments et les pensées de Sarah et Jimmy dans une telle lecture.

 

Ce roman énonce des vérités et des réalités parfois douloureuses sur des sujets graves du quotidien. Et la façon dont l’auteure a choisi de les traiter est parfaitement travaillée. Attention : le côté médical n’est pas du tout mis en avant ; c’est vraiment le côté humain qui a été choisi.

 

Sarah est un personnage fort, un peu froid parfois à croire que l’attitude professionnelle déteint sur celle personnelle. On sent qu’elle n’aime pas l’imprévu. Avocate pénaliste, elle défend plus le truand que le bon et n’a pas vraiment d’autre choix que de se forger une carapace pour résister à la pression du monde impitoyable dans lequel elle évolue. Elle n’a pas de temps pour les apitoiements et les états d’âme ; seuls les résultats professionnels importent. On a l’impression qu’accepter de céder un peu de faiblesse serait un échec cuisant, bien plus que de perdre un procès. De sa relation avec son frère, dans la vie adulte, on ne sait que peu de choses. Ce qui est indéniable, c’est la puissance des sentiments qui les unissent depuis l’enfance. Au fil des chapitres, on entre dans cette intimité enfantine qui apporte une belle touche positive ; un peu comme un bouclier pour lutter contre l’inéluctable.

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Le roman débute, tout en lenteur, dans une sorte de huis clos aseptisé, à la froide blancheur. Ce rythme routinier choisi par l’auteur peut sembler pesant et inciter à lâcher l’histoire. Je l’ai plus pris comme une manière de digérer l’évènement soudain qui s’abat sur Sarah ; comme pour lui laisser le temps d’assimiler et de s’organiser. Il faudrait être naïf pour croire que la vie continue comme avant.

 

« Tous les matins, elle est retournée au cabinet, et tous les après-midis à l’hôpital, alternant entre la cafétéria et la chambre »

 

Et ça nous permet, en parallèle, de rencontrer Jimmy, infirmier dévoué à son métier et à ses patients ; même si les échanges oraux avec eux n’ont pas de retour, il est animé par une belle empathie. C’est un personnage de qualité qu’a créé Cécile, en lui accordant une sensibilité touchante pour un protagoniste masculin. Il côtoie la détresse, la maladie, des cas médicaux pour lesquels les destins semblent scellés ; et pourtant, il sait prendre du recul face à l’inévitable et il lutte contre la tristesse des familles par un humour et un sens de la légèreté qui permettent d’appréhender ce genre d’écrit de manière moins dramatique et larmoyante. Déçu de manière brutale en amour, c’est un homme qui sait se protéger pour ne plus souffrir mais qui croit malgré tout en l’amour. Son seul univers, ce sont son métier et ses deux amis William et Joachim. Sauf que Jimmy, une fois sa blouse enlevée, redevient un homme qui peut avoir des doutes et faire les mauvais choix.

 

« Elle a un côté très touchant, Sarah. Il ne saurait pas l’expliquer mais elle le perturbe »

 

Dès lors que Jimmy déboule dans la vie de Sarah, c’est un autre rythme qui se met en place ; on sort un peu du contexte hospitalier. Une organisation de vie autour de l’être hospitalisé, tout en ne s’oubliant pas soi-même en s’autorisant un processus de reconstruction, dans les règles de l’art, où des attentes jusque-là inimaginables naissent petit à petit.

 

« Il se pourrait que l’inconnu, qui devait avoir assez de force pour m’en prêter un peu, soit en passe de croiser mon chemin »

 

L’attente des résultats d’examens ou des verdicts médicaux cède un peu la place à une démarche plus égoïste – pour Sarah comme pour Jimmy - comme une bouffée d’air frais nécessaire. Les prémices de la romance se mettent doucement en place, sans précipitation ; et l’apprivoisement se développe de la plus belle des manières. Ne vous attendez pas à des personnages qui se sautent dessus ou à des scènes de sexe ; il n’en n’est rien. Seule la tendresse a sa place.

 

« Ces moments d’insouciance où les questions existentielles ne relèvent ni du Code pénal ni d’un manuel de médecine »

 

Et la lectrice, que je suis, y a vu un beau romantisme de la part de celui qui éprouve de doux sentiments pour ramener l’être aimé à la vie, à la vraie vie, pour qu’il ne sombre pas. Celle où un vélo ou une coccinelle paraissent plus romantiques qu’une grosse cylindrée, un pique-nique est plus intime et recherché qu’un beau repas dans un restaurant chic ou que la simple phrase, « Fermez les yeux et faites un vœu », pourrait être répertoriée dans le dico des plus belles déclarations d’amour.

 

« Il a compris que Sarah avait besoin de lui pour croire en la magie, car elle, ce n’est pas vraiment son truc. Alors, il va y croire pour deux. Il sera cette magie pour qu’elle y croit »

 

Cette histoire ne comporte que très peu de personnages vraiment acteurs. Beaucoup sont de passages ; seuls Sara et Jimmy la joue sous nos yeux. Il n’empêche que l’auteur démontre parfaitement le processus de réaction de l’être humain comme un moyen de défense.

 

Le personnage de Sarah, dans la douleur et la lutte contre ses sentiments si durement touchés, se montre agressif dans ses propos, dans ses plaidoiries. Elle n’a pas d’ami(e)s ou de famille dans l’histoire, elle s’assume seule. Ses réactions illustrent de manière très juste que c'est dans les pires moments qu'on se rend compte du comportement des gens,  qui peut être faux ou  jamais à la hauteur de nos espérances. Ceux qui en font trop, ceux qui n'en font pas assez, ceux qui font parce qu'ils se sentent obligés. Ceux qui feraient mieux de ne rien faire. La scène avec Julie, d’une violence verbale incroyable, m’a scotché sur place tant l’exercice d’écriture a été soigneusement approfondi pour faire ressortir toute la véracité de la situation. Au contact de Jimmy, son évolution va se dessiner petit à petit et on aime ça ; l’auteure lui insufflant un oxygène de meilleur qualité.

 

En somme, Cécile BERGERAC nous raconte l’histoire de la vraie vie, de vrais gens. Sans artifice, ni faux-semblants et où les mots « Espoir » et « Optimisme » prennent tout leur sens même s’ils n’ont pas une garantie de résultat à 100%.

 

Elle arrive de manière toute simple, en seulement 219 pages que composent cet ode à la vie et à l’amour - à nous faire sourire, nous faire pleurer, nous émouvoir par des tirades d’une beauté à couper le souffle – je pense à Mr FLORIN – et à nous faire croire, l’espace d’une lecture, en une magie poétique. Elle n’a oublié aucun ingrédient pour faire de cette douceur une belle réussite que je ne peux que conseiller de découvrir avec délectation.



24/05/2020
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