Mille livres en tête

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Je suis venue te dire / Cynthia KAFKA

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Ne dit-on pas que l'enfance représente la période de l'insouciance et de grand nombre de beaux souvenirs ? Mais qu'en est-il lorsque l'enfance est marquée par des brimades, par une mise à l'écart où subir plutôt que pouvoir riposter est devenu une résignation, une manière de mettre fin à un incessant calvaire ? Que de questions pour commencer mon avis sur le 1er roman de Cynthia KAFKA "Je suis venue te dire" paru aux Editions l'Archipel.

 

Pour le résumé, c'est par ici


C'est alors qu'elle a seulement 8 ans que l'on croise Rose dans une cour d'école, où la loi du plus fort règne, alors qu'elle est aux prises avec d'autres enfants dont elle est le souffre-douleur, qui n'ont de cesse de la racketter et de l'affubler de tout un tas de noms. Une fois rentrée chez elle, contrairement à tout enfant, le soutien familial n'est pas celui escompté.

 

Orpheline de sa maman depuis ses 4 ans, vivant sous le même toit qu'un père absent, ne se relevant pas de la perte de son épouse, c'est grâce à une mamie et une tata, aimantes, que Rose va tenter de grandir. Lorsque l'heure des 18 ans sonne et après tant de rendez-vous affectifs manqués, le moment est venu pour elle de s'affranchir de ce passé douloureux en s'éloignant à Bordeaux et en coupant les ponts avec ce père qui a failli à son rôle.

 

« Tu ouvres la porte.

Je suis déjà dans le salon à préparer le support en plastique bleu. Clic clac. Les pieds sont montés

Les jetons rouges d’un côté, les jaunes de l’autre. J’attends en comptant les pions.

 Vingt-et-un jaunes. Vingt-et-un rouges.

Tu sors de la salle de bain. Je suis prête. Toi aussi.

Tu marmonnes un « bonne journée » et tu claques la porte de la maison. Je range les pions »

 

Malheureusement une vie d'adulte ne peut être construite avec tant de manques et de "Pourquoi ?" restés sans réponses. Et lorsque, 10 ans plus tard, Rose apprend que son père vient d'être transféré dans un service de soins palliatifs de sa ville natale, c'est peut-être bien la dernière opportunité qui s'offre à elle pour régler ses comptes et pour enfin avancer. Mais après une si longue absence, la vie peut réserver bien des surprises et remettre en question beaucoup de choses.

 

« Sa dernière chambre à lui, ma dernière chance à moi »

 

Autant le dire tout de suite, c’est avec cette histoire que je découvre cette talentueuse auteure et ma première rencontre avec elle est tout simplement un très beau coup de cœur. Je me suis procuré ce roman lors d’une séance de dédicaces de l’auteure au Cultura de Périgueux, pour son résumé bien entendu mais aussi par la couverture douce et colorée qui contraste de manière incroyable avec l’histoire telle qu’on s’attend à la découvrir. Et qui finalement est pleine de surprises !

 

Dans ce roman, l’auteure aborde le thème difficile de la maladie au stade des soins palliatifs auquel elle associe un autre thème poignant qu’est la rupture de relations entre un père et son enfant. Quand les deux thèmes doivent cohabiter pour tenter d’en faire ressortir quelque chose de positif, l’exercice s’annonce périlleux car c’est une sacrée prise de risque de tomber dans quelque chose de très difficile à lire. Et bien, comment vous dire que l’auteure s’en est très bien sortie puisque, même si on est sur une fin inéluctable, c’est un roman qui est plein d’optimisme et qui fait du bien.

 

C’est sur une alternance présent/passé que l’auteure a construit l’histoire de ce parcours de vie de Rose, tantôt fillette en quête d’attention et d’amour paternel jusqu’à sa majorité et tantôt jeune femme devenue adulte, tourmentée par des questions restées sans réponses. Ce choix donne vraiment beaucoup de force à l’histoire et permet de tellement bien cerner la relation – ou la non-relation – entre Rose et son père.

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Quand j’ai découvert ce roman, j’avoue avoir eu certains à-priori et je me voyais déjà pleurer du début à la fin. Alors non, je n’ai pas pleuré parce que l’auteure a justement su apporter à son texte beaucoup de positif bien que la base du roman soit axée sur des thèmes poignants. Et je n’ai donc ressenti aucune gêne pesante ou malaisante au cours de ma lecture.

 

« Pour toi, il vaut mieux être une fleur qu’une petite fille. Ta délicatesse est sans pareille avec les rosiers. De moi, tu ne dois voir que les épines »

 

La plume de cette auteure est vraiment agréable à lire et de très belle qualité car tout au long de l’histoire elle est parvenue à me faire ressentir les émotions de son héroïne, à laquelle je n’ai pu que m’attacher. Par moments, mon cœur s’est serré. Non pas par la violence de certaines scènes mais par leur puissance et l’intensité des émotions transmises en seulement quelques mots ou quelques phrases. Malgré un passé douloureux, elle n’a pas fait de Rose, un personnage qui se complaît dans sa situation, sans chercher à la faire évoluer dans le bon sens. Parce que plus l’histoire avance, plus le voile se lève, plus le regard et les sentiments de Rose évoluent. Et c’est une succession de rencontres et d’évènements qui nous accompagne aux côtés de cette héroïne qui va savoir puiser en elle une force incroyable.

 

Le gros plus de ce roman, ce sont les personnages secondaires avec une mention très spéciale pour Amelia et son frère Mathias qui vont porter l’histoire autant que Rose puisqu’ils sont vraiment très présents à ses côtés tout au long de la partie « Présent ». Tout dans leurs paroles, dans leurs échanges, dans leurs attentions est si soigneusement pensé et permet de donner un très beau rythme à l’histoire afin qu’il n’y ait jamais de temps mort. Véritable soutien indispensable, ils sont un réel moteur pour la jeune femme. Et ce type de relation fait du bien à lire. Mais on ne peut pas ne pas citer, pour la partie « Passé », Mamie, ce personnage plein de douceur et de tendresse. C’est une très touchante relation que l’auteure a su développer entre celle qui se substitue à l’amour paternel et cette fillette dont la vie n’est faite que de désillusions. 

 

« On n’a qu’une vie. On mange suffisamment d’épinards secs et sans saveur pour ne pas refuser un peu d’épices et de beurre. Et l’amour est à la vie ce qu’est le beurre aux épinards »

 

Cynthia KAFKA, avec cet écrit, occupe une belle place parmi mes révélations auteures de cette année 2022. La justesse de sa plume et toutes les émotions qu’elle a insufflées à son roman me donnent vraiment envie de la découvrir encore plus pour pouvoir apprécier, une fois encore, son talent. Son actualité proche est marquée par la sortie de son prochain roman « Contre vents et secrets », pour lequel je serai au rendez-vous. Et je ne peux que vous conseiller de partir à sa découverte et de prendre autant de plaisir que moi. Alors, très bonne lecture !



12/10/2022
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