Mille livres en tête

Mille livres en tête

Les saisons sans toi / Florent RIGOUT

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C'est une lecture un peu particulière que les Editions L'Alchimiste ont accepté de me confier. Et je les remercie vraiment pour n’avoir pas hésité à accéder à ma demande pour le format papier de cet ouvrage ; alors même que je ne suis pas partenaire avec eux. Mais je ne concevais pas de lire une telle histoire en numérique.


C'est en lisant la chronique, sur Instagram, de la page "desplumesetdeslivres" que j'ai été immédiatement attirée par ce titre. Un sujet fort et sensible évoqué dans un livre assez court, avec une narration externe alternant entre l'imparfait et le passé simple.

 
Dans ce roman de Florent Rigout « Les saisons sans toi », les saisons se suivent et ne se ressemblent jamais. Quand par une journée d'hiver, la vie de Leo bascule dans l'effroi, rien ne lui laisse présager à quoi vont ressembler les prochaines saisons de sa vie. Des saisons faites d'épreuves, de douleurs insupportables et de trahison. Ces saisons qu'il va devoir traverser sans Mathilde, son épouse trop tôt disparue emportée par une houle violente mais avec Lucas, son tout jeune fils qui a besoin de lui.


Parce qu'en matière de deuil il n'y a pas de mode d'emploi, la vie se poursuit en devant composer avec l’entourage familial, l’entourage professionnel et les amis. Telle est l'histoire du parcours de vie de Leo.


Lorsque la perte de l'âme sœur intervient de manière aussi soudaine, comment réagissent le corps et l'esprit de celui qui reste et doit affronter l'épreuve ?

La noirceur des épreuves, des douleurs et du sentiment de culpabilité peut-elle, progressivement, laisser la place à une lumière plus apaisante ?


C'est en toute connaissance du sujet et de l'écriture de l'auteur que j'ai débuté cette lecture. Je reconnais que c'est une sacrée prise de risque sachant que je suis une lectrice d'écrits au présent avec narration interne. Mais il y avait ce je-ne-sais-quoi qui m'aidait à passer outre ces appréhensions que j'ai habituellement.


Dès le prologue vraiment poignant, on imagine facilement que la lecture ne sera pas anodine. L'auteur nous plonge immédiatement dans ce qu'il y a de pire : la perte brutale de l'être aimé.


C'est sur le principe d'une traversée des saisons que la vie de Leo, ce jeune père de famille, se joue. Un long processus se met en place pour lui, pour affronter cette absence sans retour possible en arrière. J’ai trouvé intéressante l’approche de l’auteur à ne pas choisir de numéros ou de titres de chapitres mais simplement les saisons d’une vie. La notion de temps est ainsi facilitée et ça nous permet de mieux appréhender le parcours long et semé d’embûches du héros. Quelque part nous vivons tous au rythme des saisons qui sont des points de repère précieux dans une vie.

 

C’est avec beaucoup de justesse et sans artifices que l’auteur dévoile, au fil des pages, l’histoire de Léo. Tout le monde sait qu’en matière de deuil, il y a un processus de base mais de là à dire qu’il s’applique à chacun, ça n’est pas évident.

 

Dans ce roman, le sujet est vraiment bien abordé et l’écriture de l’auteur pleine de vérités qu’on ne peut que retrouver dès lors qu’on a vécu cette situation. Même si l’histoire est narrée de manière indirecte, j’ai compris sans mal, l’état d’esprit de Léo, ses réactions, ses choix, ses sentiments. Mais aussi les comportements extérieurs face à la personne qui souffre, à qui on ne sait pas quoi dire ou à qui on ne dit pas les bonnes choses sans penser à mal.

 

« Il sentait bien les regards fuyants, les attitudes hésitantes en sa présence, la complaisance pour la perte de sa femme. Les gens ne savaient pas comment le prendre et ignoraient de quelle manière le cacher »

 

En matière de deuil, on peut s’entendre dire qu’il faut laisser du temps au temps, que le temps apaisera la colère, la culpabilité et le chagrin. Malheureusement, ce ne sont que des mots qu’il est difficile à entendre tant le temps semble s’écouler trop lentement face à la douleur qui ne s’estompe pas et qui peut amener à commettre l’irréparable.

 

Dans ce livre, l’auteur a su mettre en lumière des scènes de vie tellement réelles que, même si on est seulement spectateur lointain de cette histoire, l’on ne peut qu’être touché. J’avoue, sans aucune honte, que ma gorge s’est serrée à plusieurs reprises et que les larmes n’étaient pas loin. Quand on lit ce genre d’histoire, certains faits ne peuvent que nous renvoyer à notre propre vécu.

 

« Il sortit le top de la pile, le déplia, le saisit à deux mains et l’apporta contre son nez. Il respira, ferma les yeux, froissa le tissu contre son visage et s’assit sur le lit. Genoux pliés, il glissa sur le matelas, serra le témoin fantôme brodé comme le seul fil qui la raccrochait à son monde. Son corps trembla, secoué par un spasme, puis un autre, avant que les sanglots ne l’envahissent brutalement. Il demeura ainsi, en pleurs, jusqu’au lever du soleil »

 

Au fil des pages, l’enchaînement des étapes du processus est particulièrement dur mais parfaitement cohérent et là où j’ai été frappée, pour avoir pensé la même chose pendant des mois, c’est par le passage suivant :

 

« Il y a des jours où l’on est persuadé d’une coalition bien rodée, comme une ligue de l’emmerdement extraordinaire qui aurait jeté son dévolu sur nous. Cette sensation que le destin, ou une force bien dégueulasse, s’acharne avec application à nous maintenir la tête sous l’eau, que peu importe les efforts, les tentatives et la volonté, l’issue sera fatalement la même : le fiasco »

 

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Jusque dans l’écriture, l’auteur s’est appliqué à suivre un schéma logique, avec des personnages peu nombreux mais ô combien importants. Je me suis fait la réflexion que le début de l’histoire manquait de dialogues et pour cause… Puis au fur et à mesure que le chemin vers la résilience s’amorce, l’histoire s’étoffe et devient vraiment prenante. Les pages se tournent pour découvrir les épreuves, les moments de joie ou de doute, les peurs, les espoirs et l’ébauche de ce qui ressemble à de l’amour. Ah l’amour ! Vaste débat en matière de deuil. Est-il possible d’aimer à nouveau ? Et surtout, a-t-on le droit de s’autoriser à un nouveau bonheur ?

 

Ce sont des sujets poignants, tendres, réalistes et nécessaires que l’auteur développe avec une belle plume pleine de sincérité et de simplicité. Lorsque j’ai vu que le livre ne comportait que 196 pages, j’ai crains que l’histoire ne soit que partiellement exploitée. Alors même si c’est un style littéraire peu commun pour moi, je n’hésite pas à reconnaître que l’auteur a parfaitement maîtrisé son ouvrage en mettant de côté les fioritures pour ne garder que l’essentiel, le plus important.

 

Ce livre nous prend par le cœur et par les sentiments et capte notre attention jusqu’au bout. Et même si l’épilogue peut semer la confusion, je ne peux que le recommander pour tout ce qu’il évoque. Chacun l’appréhendera avec ses sentiments et éventuellement son vécu. Pour ma part, je suis vraiment heureuse d’avoir suivi mon instinct qui m’a poussé à aller à sa découverte qui se révèle plus que positive.



08/03/2021
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