Mille livres en tête

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Black Feelings - Saison 2 / Mo GADARR

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Ayant eu un beau coup de cœur pour le T1 de Black Feelings, il était inconcevable que j'ignore la sortie du T.2. Même si, attention, ce n'est pas une suite. Cette histoire porte sur Nathan, qui, pour mémoire, était un personnage très présent et important dans le T.1.


Pour être sincère, je n'arrivais pas à resituer Nathan, dans la précédente histoire. Je me suis donc lancée comme ça en pensant que ça ne serait certainement pas gênant. Et ça ne l'a pas fait du tout : il y avait comme un parasite qui gênait ma concentration. J'ai donc tout stoppé et ai repris dans le T.1, les passages du présent. Bizarrement, tout m'est revenu ; comme quoi la mémoire peut nous jouer des tours. J'ai pu reprendre, sereinement, ma lecture du T.2 avec une sacrée différence.


J'ai pu me concentrer sur Nathan qui revient chez sa mère à l’Ile d’Oléron, sa ville natale, pour se donner toutes les chances d’un nouveau départ. Pour que lui soit accordé l’autorisation de reprendre son métier d’enseignant,  il doit faire table rase de son passé à Bordeaux, qui l’a laissé dans une détresse profonde, depuis plusieurs mois.


Mais l’Île d’Oléron, c’est avant tout, son enfance jusqu’à ce qu’il parte faire ses études sur le continent. C’était une autre époque. Celle des vrais amis Elias & Zina, des premiers émois amoureux, des bonnes et des mauvaises rencontres, des frasques de gosses, des expériences dangereuses ; celle durant laquelle n’importe quel adolescent en manque de reconnaissance et de repères peut basculer jusqu’à l’irréparable.


Lorsque Nathan, à peine arrivé, croise la route de Zina, tous les souvenirs ressurgissent : les bons comme les mauvais. Les sentiments sont toujours bien présents pour celle qui fut son premier amour et qu'il a, malgré tout, abandonnée ; mais le jeune Nathan de leur jeunesse est devenu un homme meurtri par la culpabilité.


La guérison se trouvera-t-elle au bout de ce chemin qui s'annonce difficile ?

Le pardon sera-t-il envisageable si les pires secrets venaient à être dévoilés ?

 

C'est une autre voie thématique qui est prise, dans cette seconde histoire qui est en tous points aussi touchante que son aînée. Dans BF1, la tendance était plus à la vengeance : thème un peu plus sournois, plus sombre. Dans BF2, on serait plus sur la recherche du pardon, d'une rédemption. Ça semble plus doux, moins violent émotionnellement parlant mais que nenni (en tout cas, pas pour moi).

 

Une fois encore, l’auteure a opté pour l’alternance de la narration entre Zina et Nathan mais aussi pour l'alternance de deux époques qui permet de découvrir leurs passés respectifs, leurs enfances, bien loin d'être idylliques (entre 1994 et 2003) et leur présent en 2020.


Avec une grande justesse, Mo Gadarr aborde des sujets délicats comme la dépression, l'alcoolisme, le harcèlement au travail, les violences sur les enfants, le handicap, les dérives de la jeunesse, etc.... Dit comme ça, ça peut sembler beaucoup de choses en une seule histoire mais il n’en est rien ; car la corrélation entre eux est parfaite.

 

On assiste impuissante à l’évolution de Nathan qui passe de l’attachant enfant à l’adolescent jouant avec l’autorité et les limites ; à la frontière avec la délinquance. Et là on se dit que le prix à payer, pour être populaire peut s'avérer être élevé. Et rien ne dit que le jeu en vaille la chandelle.

 

Mo Gadarr a, encore une fois, créé des personnages hauts en émotions qui, dans le présent, se cherchent sans jamais vraiment arriver à se trouver. Nathan souffre, ça on le sait dès le début mais au fil des pages on découvre l’étendue de cette souffrance qui s’est sournoisement immiscée en lui comme un mal contre lequel il n’a pas trouvé les armes pour lutter. Lui, qui a toujours tout fait pour être la fierté de son père, se retrouve, encore à l’âge adulte, face à un modèle paternel qui a toujours les mêmes exigences et pour qui la faiblesse n’est pas une option envisageable. Malgré des mots parfois durs, il est toujours un soutien.

 

« Arrête ça ! Tu ne vas pas te mettre à chialer devant tout le monde ! Un homme sait contenir sa douleur sans une larme ! »

 

Je crois que le personnage de Nathan est celui qui a fait monter le plus de peine en moi. Bien qu’il soit trentenaire, lorsqu’il s’agit de lui, il ne s’impose pas, il aimerait dire non mais il n’ose pas ; la vision extérieure que j’ai eu de lui n’est pas en adéquation avec son lui intérieur. Au fil de la lecture, je me suis rendue compte qu’il en a toujours été ainsi. Sois gentil, tais-toi et ne fais pas de « vagues ». Par contre, lorsqu’il s’agit de Zina, c’est un peu comme s’il y avait quelqu’un d’autre en lui. Difficile à expliquer. Ce n’est pas un dédoublement de la personnalité mais dans certaines situations, il oublie sa peur et n’hésite pas à en découdre. Un peu déroutant !

 

« Rien ne pourra nous faire revenir en arrière et effacer ce qui a gâché notre début d’histoire »

 

Pour Zina, ma vision est différente. C’est vrai qu’elle n’a pas eu une enfance facile, elle n’a pas eu la chance de vraiment connaître la sécurité familiale et son début de vie adulte a été fragilisé par un drame. Les épreuves l’ont frappé à maintes reprises ; elle n’a jamais faibli. Elle a su rester forte, sans jamais plier sous le poids de responsabilités qui se sont imposées à elle par la force des choses. Elle est touchante de par ce naturel qu’elle dégage, de par son dévouement aux autres, totalement altruiste et elle est incroyablement courageuse de vouloir croire que sa romance commencée dans le passé à une chance d’être vécue dans l’avenir. Même dans les pires moments, elle sait rester positive. Elle prend le peu que Nathan lui offre et même dans les moments les plus sombres, elle n’est pas loin.

 

« Quand il a disparu, il a emporté avec lui toutes mes espérances. Malgré mes efforts, je n’ai jamais pu l’oublier »

 

Cette histoire est touchante car, même après 17 années de séparation, la réalité rattrape les personnages : l’évidence qu’ils sont faits l’un pour l’autre, est là. Même s’il y a un truc qui bloque, si le schéma de celui qui se refuse le droit au bonheur pour protéger l’autre d’un lourd secret, peut sembler classique et déjà vu, Mo Gadarr a finement traité, le tout, avec sa plume toujours aussi prenante. Le cheminement est assez long et douloureux mais elle a su explorer toutes les pistes à faire prendre à ses personnages pour que la reconstruction ait une chance d’aboutir.

 

« Depuis que je te connais, Zina, il n’y a pas une minute où je ne me suis pas inquiété pour toi. Si tu savais…. »

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Elle n’a pas édulcoré l’histoire de Nathan avec une ou deux séances chez le psy et hop, l’affaire est réglée et bien en ordre. Elle ne l’a pas épargné, alors là c’est le moins qu’on puisse dire, elle en a fait un être assez complexe et avec les choix duquel on n’est pas toujours d’accord. Un peu comme une fuite par facilité. Mais quand on revient dans un lieu chargé de souvenirs, il ne faut pas s’attendre à ce que tout se soit effacé comme par magie. Ce point ajoute une certaine naïveté à Nathan, ce qui n’a rien de vraiment masculin et qui peut être contestable. Mais c’est tout le processus de reconstruction qui est à prendre en compte ; pas le fait que Nathan hésite beaucoup et n’est, peut-être, toujours pas prêt à assumer certaines choses.

 

La force et le courage, qui font défaut à Nathan, elle les a insufflés au personnage de Zina, nous évitant ainsi la jeune femme pleurnicheuse et hésitante. Zina n’a pas le temps d’hésiter. Bon, c'est une trentenaire aussi. Donc, pour rester cohérent, un auteur ne peut pas faire dire ou faire faire n'importe quoi à ses personnages Sourire J’adore ce personnage même s’il ne faut pas oublier qu’elle est faite, elle aussi, de sentiments qui pourraient être mis plus durement à mal. Jusqu’au bout de ma lecture, j’ai ressenti une immense tendresse pour elle ; quel personnage incroyablement bien abouti !

 

« Elle a le cœur si grand qu’elle parvient à surmonter l’impardonnable… »

 

L’histoire repose, d’un bout à l’autre, sur un énorme secret qui malheureusement colle avec une triste réalité qui ne tient pas ses origines seulement dans ce livre. Et j’ai été surprise par le réalisme avec lequel certaine scènes ont été écrites. Ca en est même effrayant !

 

« Le faire entrer dans ce paradis  n’est pas un acte programmé mais logique.

C’est juste mon meilleur ami »

 

Sous une écriture parfaitement dans l’air du temps, Mo Gadarr qui est enseignante et non psy, arrive à nous pousser à réfléchir pour en tirer une conclusion toute simple : avant de se refuser tout droit au bonheur, il faut chercher des réponses, au plus profond de soi. Et savoir se pardonner les erreurs du passé. Et elle nous offre un épilogue de toute beauté, qui est arrivé un peu vite à mon goût, sous lequel se cache une certaine « morale » : les rêves peuvent être à portée d'un simple geste qui suffirait à donner, au destin, ce petit coup de pouce dont il a besoin pour changer les vies. Réalisme ou utopie ?

 

Mo Gadarr est une auteure qui ne donne pas dans l’écriture facile et qui sait, sous couverture d’une romance, faire passer des messages et traiter des sujets tabous, des sujets qui dérangent, des sujets qui font peur et qui interpellent le lectorat ;  pour tout ce que ce roman contient, il est à lire absolument. Et selon moi, avoir lu le 1er a son importance. Hormis le fait qu’on retrouve avec plaisir Mattéo et Mandy, il y a un léger fil conducteur qui unie ces deux histoires. Deux histoires et deux quêtes différentes pour un même ressenti plus que positif de ma part.

 

« Les femmes, c’est comme les oiseaux, c’est quand on veut les maintenir en cage qu’elles ont envie de s’envoler »



17/04/2020
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