Et démuseler le bonheur... / Créoline DE VENFRE
Il y a des rencontres qui ne s’expliquent pas, qui s’imposent à nous parce qu’elles devaient survenir. C’est vraiment par hasard, au détour de suggestions sur mon fil d’actualité Instagram que ma route a croisé celle de cette auteure pour laquelle je me suis dit « si l’histoire est aussi belle que la couverture, ça doit être du haut niveau ». Et j’étais bien loin de la vérité puisque ce roman me sort de mes lectures habituelles et qu’est-ce que ça fait du bien.
C'est par le cœur et par les tripes que Créoline DE VENFRE nous prend dès les premières lignes de son premier roman auto-édité "Et démuseler le bonheur". La couverture magnifique et le résumé d'une telle force laissaient déjà présager quelque chose de poignant mais là j'étais bien loin de tout ce que je pouvais imaginer. Bienvenue dans une lecture qui ne peut laisser personne indemne sous la plume d'une auteure pas comme les autres !
Je serais tentée de vous dire : ce livre ne s’explique pas, il se lit tout simplement. J’irai même plus loin : il ne se lit pas, il se vit. Car lorsqu’on écrit des chroniques, il y a ces livres qui sont simples à chroniquer et il y a ceux pour lesquels c’est beaucoup plus complexe. Et oui, lorsqu’une auteure telle que Créoline offre à ses lectrices de tels parcours de vie que ceux de ses trois personnages, Adama, Tobias et Erin, la tache est loin d’être simple.
Intriguée par ce titre qui dégage un soupçon de mystère, et avec un résumé plus qu’énigmatique, j’ai débuté cette lecture en ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Mais une fois plongée dedans, j’ai eu beaucoup de mal à m’arrêter tellement j’étais prise par le contexte, par les sentiments qu’elle faisait naître en moi et par l’intensité de tout ce qui la compose. C’est juste hallucinant !
C’est sur plusieurs thèmes assez forts que repose cette histoire qui nous permet de rencontrer Adama, chauffeur-livreur de 28 ans qui a un rêve, qui lui paraît inaccessible : devenir chef cuisinier. Sauf que depuis plusieurs mois, la vie d’Adama se trouve mise en suspens après la plongée dans un coma profond de son frère aîné, Tobias, 32 ans. Pour ce futur avocat, victime d’un terrible accident, les avis médicaux sont plus que pessimistes mais Adama, ne peut concevoir sa vie sans celui dont il se sent entièrement responsable de l’état.
« Et me voilà qui chiale, comme chaque soir depuis cinq mois et des poussières. On dit que pleurer soulage, mais c’est des conneries. Pleurer donne juste des migraines de merde. Et comme je ne dors pas suffisamment la nuit, forcément, ça n’arrange rien »
En parallèle, on rencontre Erin, hôtesse de l’air de 26 ans, installée dans une vie routinière, autant personnelle que professionnelle, dans laquelle elle ne s’épanouit plus. Elle la petite fille fragilisée par un passé douloureux, devenue une jeune femme en quête d’identité, aimerait s’envoler vers d’autres projets qui lui correspondent plus.
Dans la vie, il suffit d’un instant, d’une rencontre pour qu’envisager de démuseler le bonheur devienne bel et bien un but réalisable et non plus seulement un rêve utopique.
Ça m’ennuie vraiment de parler de ce roman en le désignant comme un simple livre ; car on est bien loin de la simplicité littéraire. A mes yeux, c’est vraiment une œuvre littéraire atypique, moderne et percutante sans faux-semblants. Sous les thèmes abordés, il serait tentant de dire qu’une notion de feel good se dessine. C’est difficile à expliquer car de tels messages sont véhiculés et tant de positivité en ressort que c’est presque contradictoire avec un certain aspect de l’histoire.
Dans ces 500 pages que compte cette œuvre, Créoline nous décrit à merveille cette relation fraternelle si durement mise à l’épreuve et la manière dont elle perdure grâce à un seul protagoniste qui s’accroche à ses espoirs de pouvoir inverser la tendance à force de persévérance. C’est avec beaucoup de justesse, de pudeur et en toute simplicité qu’elle nous offre la vie de ces deux frères et qu’elle nous immerge, tour à tour, dans leurs émotions, dans leur bataille, dans leurs espoirs et dans leurs désillusions.
« Cette année, la roue tournera, et j’aurai droit au bonheur, moi aussi »
L’auteure nous immerge aussi dans le quotidien d’Erin, actrice par facilité dans ce qui s’apparente plus à un mauvais rôle dans un mauvais film qu’à une comédie romantique et qui subit sa vie plus qu’elle ne la vit pleinement. Il ne lui manque peut-être que cette petite étincelle qui pourrait changer la donne et une dose de courage pour devenir enfin maîtresse de sa vie et de ses choix.
C’est avec une approche assez peu coutumière que Créoline nous décrit la notion du bonheur dans sa plus simple pureté à travers le regard de personnages que tout oppose en apparence. Mais à bien y regarder et au fil des chapitres, lorsque l’histoire se tisse, fil par fil, l’évidence saute aux yeux et on se dit que cette rencontre était forcément écrite quelque part. Qu’il ne pouvait pas en être autrement. Les enchaînements, les connexions et les échanges sont magistralement bien imaginés et présentés de manière tellement réaliste.
« Notre passé ressemble à un bagage : on peut s’en encombrer en le gardant en cabine ou on peut l’envoyer en soute, mais quoi qu’il en soit, à l’arrivée à destination, il sera toujours là, puisqu’il nous accompagne tout au long du voyage qu’est la vie »
Je ne vais pas vous dire que j’ai pleuré ; ce serait mentir. Mais une intense émotion m’a accompagnée, d’un bout à l’autre, évoluant en même tant que la progression des relations et de ces vies. L’auteure nous donne un accès libre à l’âme et au cœur de chacun de ses personnages. Elle a su me transporter pour les accompagner dans leurs émotions, dans leurs joies comme dans leurs craintes, dans leurs victoires comme dans leurs échecs et dans cette volonté commune d’en ressortir grandi et plus fort pour atteindre le bonheur tel que chacun le conçoit.
« On a qu’une vie. Et personne devrait être forcé à mener une vie qu’il a pas choisie. Personne »
C’est un fort potentiel psychologique que renferme cette œuvre dans laquelle rien n’est laissé au hasard. Et quand je dis rien, c’est vraiment rien. Le contenu est d’une qualité assez rare et tellement riche qu’on ne peut qu’être admirative de ce que Créoline a pu accomplir. Je n’ose même pas imaginer le temps, les recherches et la patience qu’un tel écrit a nécessité mais une chose est sûre, c’est que l’amour et l’attachement qu’elle a pour ses personnages se ressent dans la douceur de sa plume. C’est incroyablement touchant et clairement ça apporte un autre sens à cette lecture.
A travers de cette histoire, c’est aussi à ses lectrices/lecteurs qu’elle apporte une attention toute particulière en insérant une multitude de détails calligraphiques, en ponctuant son récit d’anecdotes, d’illustrations, en nous interpellant sur certains passages, en nous questionnant comme si elle était à nos côtés pour qu’on puisse lui répondre en temps réel et vivre cette expérience unique avec elle, elle la créatrice de ce bijou littéraire. J’ai trouvé ça tellement innovant, interactif ; en un mot GENIAL ! Mais attention, certains de ces détails ne sont disponibles pour que le livre commandé sur le site de l'auteure directement
Ce premier écrit de Créoline se démarque vraiment de ce que j’ai l’habitude d’avoir dans ma bibliothèque car lorsqu’on tourne la dernière page, on ne peut que constater l’impact sur notre propre notion du bonheur, sur la manière dont nous considérons certains thèmes abordés et sur la claque qu’il nous a mis avec un consentement 100% assumé. Et surtout parce que c’est un écrit qui interpelle par son réalisme, par la finesse et la justesse de la plume de l’auteure et par l’inattendu optimisme qu’il contient.
Parce que dans la vie il faut savoir prendre des risques, sortir des sentiers battus et enlever ces œillères que l’on porte par facilité ou par peur du changement, Créoline DE VENFRE est la représentation même des auteures qui sont capables de nous faire amorcer un changement, tout en douceur, dans nos habitudes de lecture. Et rencontrer une telle plume ne peut que nous faire prendre conscience qu’il y a bien un avant Créoline et un après Créoline. Et ça, c’est un talent que peu d’auteur(e)s peuvent revendiquer détenir.
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